LES MIRACLES ET LES AVANTAGES DE LA PENSÉE NÉGATIVE

La pensée positive, on connaît. Elle tend a` culpabiliser ceux qui auraient des pensées négatives : il faut qu'ils s'améliorent, il faut qu'ils progressent, il faut qu'ils fassent un travail sur eux, etc...
La pensée positive permet d'avoir de meilleurs rapports avec autrui, au travail, en famille et de cesser de s'inquiéter pour tout et n'importe quoi.
Mais la pensée positive ne résout pas tout, loin de la` : la pensée négative a aussi son mot a` dire, pourvu qu'elle soit maîtrisée et utilisée a` bon escient.




Par exemple, vouloir penser positif dans une relation de couple qui se détériore inexorablement, c'est intérioriser l'amertume, la frustration, le mal-être et c'est se préparer un bel ulcère a` l'estomac dans un avenir proche (ou pire encore). Alors que dire a` l'autre tout ce que l'on pense et rompre sans hésiter ni tergiverser fera revenir la santé mentale et physique beaucoup mieux qu'en essayant (en vain) d'avoir une communication "positive" dans une situation désespérée.





Autre exemple, grand classique de la pensée positive : faire la paix avec ses parents. 
Ecrire tout ce que l'on ressent a` leur égard, bruler la lettre puis aller voir ses parents en repartant a` zéro, positivement pour toujours. Sauf que si l'on a des parents vraiment horribles, sauf que si les parents s'en fichent completement que vous vouliez faire la paix avec eux alors qu'ils veulent continuer a` faire la guerre, vous serez bien avancés avec votre lettre partie en fumée (pour rien).




Et certains auteurs, chercheurs et psychologues, commencent a` s'élever contre cette nouvelle dictature de la pensée positive qui risque plus de nous transformer en moutons qu'en lions pour affronter les difficultés de l'existence.


Il faut "positiver", entend-on, se concentrer sur ce qui va bien. Quitte à se livrer à des contorsions cérébrales pour voir l'avenir en rose. D'échouer bien souvent. De s'en vouloir de ne pas y arriver. De culpabiliser. Et d'accroître encore la morosité ambiante. 
Oliver Burkeman est l'homme par qui la bonne nouvelle est arrivée. "La pensée négative" permet d'être heureux, explique-t-il dans son livre The Antidote : Happiness for People Who Can't Stand Positive Thinking (Faber & Faber, 2012, non traduit), autrement dit L'antidote : le bonheur des personnes qui ne supportent pas le dogme du “penser positif”. "Mieux vaut voir le verre à moitié vide !"
A l'appui de sa thèse, il appelle la pensée stoïcienne à la rescousse. Mais aussi les résultats de recherches récentes. "Les visions positives d'un avenir idéalisé sapent l'énergie, la motivation nécessaires pour atteindre ses objectifs", démontrent deux chercheurs en psychologie Heather Barry Kappes, de l'université de New York, et Gabriele Oettingen, de l'université d'Hambourg (Allemagne), dans un article publié dans le Journal of Experimental Social Psychology.

Une autre chercheuse en psychologie, Julie Norem, théoricienne du "pessimisme défensif" explique que cette attitude consistant à s'inquiéter des tâches à accomplir, qu'il s'agisse d'examens, de dossiers à finir, ou d'entretiens d'embauche, permet de mieux se préparer à l'adversité. Et donc, in fine, de mieux réussir. Pour y parvenir, il faut donc non seulement ne pas avoir trop confiance en soi, mais aussi noircir la situation.
Comme on l'apprend en mathématiques : moins par moins égal plus !
kahn@lemonde.fr






 Ainsi donc, il faut effectuer un bon dosage entre utilisation de la pensée positive et utilisation de la pensée négative (comme nous le préconisions dans l'article précédent). Savoir distinguer les situations qui nécessitent l'emploi de la pensée négative des situations ou` l'on peut cultiver la pensée positive.
Et ne pas oublier les pouvoirs de l'énantiodromie (la faculté des choses de se transformer souvent en leur contraire) : par exemple, après une vengeance bien méritée et réussie, on se sent beaucoup mieux. On a gagné. Enfin ! Depuis le temps que l'on attendait ce moment. On éprouve plein d'émotions positives. On se sent merveilleusement bien. Et soulagé.
Alors qu'un adepte de la pensée positive qui se sera vengé culpabilisera et se sentira mal !
















 

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